Quel rapport existe il entre Tom Clancy’s Ghost Recon Wildlands, Adventure of a Lifetime de Cold play, le LG direct Drive ou encore Seuls le dernier film de David Moreau ? Les effets spéciaux ont été réalisés par le même studio Mathematic.
Afin d’en savoir plus sur la réussite de cette société française, Guillaume Marien son fondateur et président directeur général m’a fait faire le tour du propriétaire. Il a surtout pris le temps de répondre à mes questions malgré un planning bien chargé.
Peux tu m’expliquer le choix de ce nom Mathématic ?
Il y a 3 raisons à cela.
- La première est que nous travaillons beaucoup avec l’étranger, les anglo-saxons et ce nom ils s’en rappellent et il sonne relativement bien.
- La deuxième est qu’aujourd’hui nous utilisons des outils visuels pour fabriquer des images mais il y a une vingtaine d’années c’était des lignes de code. Nous continuons à coder d’ailleurs. Dans nos équipes, certaines personnes ont fait des études de maths, donc cela faisait sens. Notre métier c’est aussi des mathématiques appliquées. J’ai trouvé que c’était un clin d’oeil assez sympa.
- La troisième raison qui rejoint la première est que les anglo-saxons nous perçoivent un peu comme des latins qui ne vont pas forcément respecter les délais et Mathematic ça pose, ça fait sérieux.
Rien à voir avec ton cursus ?
Je ne suis pas graphiste, ni mathématicien, j’ai plus fait de l’économie et de la gestion.
Pourquoi le cinéma ?
Passionné d’images, de photos, de cinéma et après avoir travaillé 5 ans dans ce secteur, j’ai décidé de monter Mathematic. C’était une belle façon d’associer les deux. On a démarré à 4 très modestement.
Quelle est la spécialité et la spécificité de Mathematic ?
Notre métier consiste à faire de la post production. Mathematic est un studio d’effets spéciaux. On truque et on finalise les images quelque soit le média : du long métrage, de la publicité du clip vidéo, de l’habillage pour les chaines de télévision et même de l’identité visuelle. Enormément de marques notamment dans le luxe veulent faire du contenu vidéo. Nous faisons alors office de consultant, nous nous occupons de la direction artistique et parfois de l’exécution
La spécificité est d’être en amont sur les process, dans la direction artistique des projets, dans l’accompagnement des réalisateurs et des producteurs. Les choses changent mais ce métier était fortement dévalorisé en France et n’était pas dans la culture du cinéma français.
Dans la publicité, il y a 15 ans les films étaient montés et on nous disait : on a tel problème, on ne sait pas faire ça, pouvez vous le résoudre ? C’était horrible de travailler comme ça, la voiture était construite et on nous demandait de faire le moteur. Nous avons rencontré des producteurs pour travailler différemment en étant avec eux sur les films. Nous déléguons des personnes et nous montons des équipes dédiées aux projets pour résoudre les problèmes artistiques et techniques sur la finalisation.
Les personnes qui bougent sur les plateaux sont les superviseurs d’effets. Ils sont les chefs d’orchestre entre le réalisateur, le chef operateur, les équipes plateau. Sinon, tout se passe ici chez nous, avec des équipes permanentes. Dans le cadre d’un forfait, on évalue le temps de travail puis on assume. Nous essayons de bien crafter les choses en artisan du cinéma.
Comme cela s’est il passé pour Seuls ?
Nous avons démarré il y a 2 ans, c’est assez nouveau pour Mathematic qui a 10 ans. Nous avions 400 plans à faire, il y en a 430 au final ce qui est assez atypique pour du cinéma français. Nous devions les aider sur 3 points importants.
- Vider la ville de ses habitants
- Faire du brouillard un phénomène climatique incarné. Nous avons décidé de le créer tout en 3D
- Créer Fortville comme une mégapole occidentale contemporaine. Nous avons alors travaillé avec le chef déco et les gens du repérage. On s’est appuyé sur des décors existants comme l’axe majeur à Cergy, la ville de Serris à Marne la Vallée. Nous avons également imaginé des décors à partir de rien comme le haut de la tour Guerch intégralement fait en 3D.
Tous les plans aériens ont été créés à postériori car nous n’avions pas d’autorisation pour tourner au dessus de Paris à cause des attentats. Il était également impossible de déambuler avec notre camion du GIGN dans les rues. Les enfants étant relativement jeunes, ils n’ont pas de permis de conduire donc tous les plans de rouling sont truqués. C’est ce que nous appelons de la post transparence c’est moins intéressant pour nous mais cela fait partie du job.
D’autres projets prévus au cinéma ?
Nous sommes intéressés par les longs métrages mais nous cherchons des projets où notre rôle fait sens et où les effets participent à la narration. Des films qui sans notre intervention n’existeraient pas.
Nous sommes sur le prochain film de Gilles Lelouche et d’autres dont je ne peux pas parler, les financements étant en cours. Nous aimons beaucoup le clip. Nous espérons retravailler avec Coldplay assez vite. C’est actuellement le cas avec Kayne West et Tiga. D’autre part nous continuons de faire de la publicité au rythme de 120 spots par an.
Vous avez aussi travaillé sur Creative Control qui brille par ses effets spéciaux ?
C’est un film indépendant, tourné à New York, réalisé par Ben Dickinson que nous connaissions par la publicité. Il nous a consulté et nous avons travaillé avec la boite de prod Ghost Robot. C’était la première expérience où nous nous occupions de toute la ligne de post prod, excepté le montage
Quel positionnement vis à vis de la VR ?
C’est un domaine qui cherche encore un peu son audience. J’étais il n’y a pas très longtemps dans une commission au CNC et j’ai vu passer beaucoup de projets en VR. Je suis resté un peu sur ma faim. Les concepts étaient bien y compris ceux intégrant la VR à la narration donc pas seulement contemplatifs mais à chaque fois à l’exécution ils étaient limités d’un point de vue technique. Les possibilités s’élargissent avec PlayStation, Htc…. De notre coté, nous restons cartésiens en nous lançant sur un projet en interne fort visuellement.
Nous sommes équipés avec à peu près tous les casques. Mais pour l’instant, la captation des belles images avec un son dans l’espace coute assez cher, la post production à 360 degrés est onéreuse également. J’ai l’impression qu’il n’y a pas d’adéquation entre les voeux pieux de tout le monde par rapport à la technologie et qui peut subventionner tout cela. Nous aménageons toutefois avenue Pasteur dans 200 mètres carrés un studio de captation pour la VR.
et le jeu vidéo ?
L’année dernière a été une grosse année pour nous avec Coldplay, la production et la post production de Seuls et l’opener de Ghost Recon d’Ubisoft. Avec 4 minutes et quelques full 3D et des humains, nous avons adapté notre pipe pour le faire en 4 mois et nous sommes satisfaits du résultat. On espère en faire d’autres, pas du jeu mais du contenu autour du jeu oui cela nous intéresse. Pour Ghost Recon il fallait expliquer l’univers, raconter une histoire par rapport au bad guy du jeu Nous avons proposé à Ubsioft un travail assez cinématographique et ils ont accepté. Ils ont des investissements dans des studios et beaucoup de fabrication part au Canada. Nous avons aussi un employé là-bas depuis janvier et un bureau à Los Angeles pour finaliser les projets.
https://vimeo.com/170782021
Pour finir quelle est la recette de Mathematic pour intéresser les américains ?
En fin de compte on s’aperçoit qu’on a un assez bon niveau et un très bon rapport qualité prix pour les américains. On dispose d’une sorte de French Touch. On effectue des choses assez originales et les réalisateurs avec lesquels on travaille, sont nos ambassadeurs.
Avec une soixantaine de personnes qui ont travaillé sur Seuls, Julien Lambert qui a travaillé sur le trailer de Ghost Recon a non seulement occupé le poste de superviseur 3D mais a aussi été superviseur visuel du film tandis que Fabrice Lagayette s’est occupé de la supervision du tournage et de la composition.
Seuls
Sortie en salle le 8 février 2017
Ghost Recon Wildlands
Disponible le 07 mars 2017 sur PS4, XB1 et PC