Anora, les émotions en montagnes russes

Malgré le prestige, un film recevant la palme d’or n’est pas toujours accueilli favorablement par le grand public. La sortie en salles ce mercredi 30 octobre d’Anora le film de Sean Baker ultimement primé à Cannes a de grandes chances d’embarquer beaucoup de monde malgré sa thématique sulfureuse et provocatrice.

Dans une boite de Brooklyn, la danse privée qu’effectue Anora pour un jeune russe lui donne envie de passer plus de temps avec elle. Rapidement le riche fils d’oligarque s’éprend de la stripteaseuse et lui passe la bague au doigt à Las Vegas. En apprenant la nouvelle, son tuteur va tout tenter pour faire annuler le mariage.

Habitué aux récompenses françaises, Sean Baker avait déjà obtenu le prix du jury à Deauville pour Tangerine tourné avec un iphone 5s et a été nominé pour recevoir en 2017 le prix du cinéma Art et Essai concernant The Florida Project. Avec Anora, Il poursuit à nouveau sa critique douce-amère de la misère sociale en Amérique.

Après la projection en avant-première organisée par Allociné, Sean Baker expliquait que son choix pour incarner son héroïne s’était porté sur Mikey Madison après l’avoir vu dans Scream et Il était une fois à Hollywood. De son côté, l’actrice un peu intimidée déclarait être ravie que le réalisateur ait été à son écoute.

Si l’histoire est comparable à Cendrillon ou à Pretty Woman par son aspect conte de fées, elle met surtout en lumière la rage féroce et désespérée dont fait preuve Anora pour s’extirper de sa condition. Cette allégorie sur le combat de femmes pour plus d’égalité dans la société s’inscrit totalement dans la tendance actuelle.

Cette comparaison n’est crédible que par l’incroyable interprétation de l’actrice principale Mickey Madison qui malgré l’exposition récurrente de son corps censée au premier abord s’avérer dégradante pour l’image de la femme parvient à le transformer en un outil d’émancipation vulnérable mais expurgé de toute vulgarité.

Pour répondre à cette puissance fragile, le jeu déployé par le second rôle masculin Yuriy Borisov resonne admirablement bien. L’interprète de la Fièvre de Petrov ou de Compartiment n°6 incarne aussi une force brute, maladroite en apparence mais au final sensible, attentionnée et non dépourvue d’un certain humour.

Caractéristique du cinéma de Baker, la photographie dans Anora est très esthétisque avec un travail d’une grande finesse sur la lumière et les couleurs. Le montage ne souffre quasiment d’aucune longueur faisant passer les 2h20 du film aussi vite que l’ascenseur émotionnel emprunté par tous les protagonistes.

Anora se déroulant souvent de nuit et dans des lieux festifs, sa bande son est composée de titres dansants et remixés à l’image de Greatest Day de Take That retravaillé par Robin Schulz en passant par les raps de DMX et  Iggy Azalea sans oublier la pop du duo russe Tatu et de l’électro produit par Electropoint.

Avec Anora, Sean Baker confirme sa maestria à décrire avec tendresse l’Amérique qui se bat pour s’en sortir. L’odyssée mouvementée de son héroïne et les montagnes russes que la suivre déclenche en émotions rappelle que la vocation du cinéma n’est pas uniquement de divertir mais aussi et surtout de faire ressentir.


Anora
Sortie en salles le 30 octobre 2024

Silverword Auteur

Critique de Cinéma, Spécialiste High Tech, Gameur old School, le Triangle Infernal

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.