La téléphonie n’est pas le seul domaine dans lequel excelle la Corée du sud. Durant ces 15 dernières années ce pays a tellement fait preuve d’audace de créativité et d’originalité au cinéma que l’on peut véritablement parler d’âge d’or. Sorti en 2003 Memories of Murder en fait incontestablement partie.
Tandis que Netfix remet en question la chronologie des média avec la sortie de son film Okja, celle en version restaurée de Memories of Murder est une excellente occasion de découvrir ou redécouvrir du talentueux réalisateur Bong Joon-ho.
Dans une province de la Corée du Sud, le corps d’une jeune femme ligotée et violée est découvert aux abords d’un champ. Un inspecteur assez maladroit et son coéquipier se chargent de l’affaire et ne tardent pas à soupçonner l’idiot du village.
Toutefois un autre inspecteur spécialement détaché de Seoul identifie les agissements d’un meurtrier bien plus intelligent. La découverte 2 mois plus tard de deux nouvelles victimes ne tarde pas à confirmer son hypothèse. Un tueur en série sévit à Gyunggi.
Memories of Murder est remarquable en de nombreux points. Il parvient dans un contexte particulièrement lourd à tenir en haleine le spectateur avec une enquête policière intrigante tout en distillant un humour à la fois noir et burlesque.
Bong Joon-ho en profite pour dépeindre les inégalités sociales qui sévissent entre la capitale et la province de son pays. Au passage, il n’épargne pas vraiment la police, brocardant sa violence, son manque de moyens, ses méthodes plus que discutables.
Il rappelle aussi habilement lors d’un exercice d’alerte à la bombe dans une école que la séparation avec le Nord n’est pas sans conséquence sur la population. Enfin sans occuper de rôles principaux, il n’est pas fortuit que l’une des pistes les plus sérieuses soit découverte par une policière.
La mise en scène de ses personnage est particulièrement subtile avec un héros qui n’est pas vraiment celui auquel on pourrait s’attendre. Le duo comique formé par les 2 inspecteur locaux ont quelque chose de R2D2 et C3PO qui eux même sont inspirés des paysans de la forteresse cachée d’Akira Kurusawa.
Le jeu de Song Kang-Ho fait non seulement sourire mais aussi permet de poser sur ce policier un regard attendri. Il contraste à la perfection avec la composition de Kim Sang-kyung étrange croisement de Sherlock Holmes et de Cha Seung Won dans Man on High Heels.
En dépit des événements tragiques qui ont lieu, les longs plans séquence sur les champs de cette campagne coréenne confèrent au film une intemporalité et surtout une immuabilité qui se trouveront naturellement confirmé dans les faits.
La musique accompagne admirablement le côté fataliste du film en y apportant une pointe de mélancolie. Combiner une séquence sous la pluie avec une policière vêtue de rouge pour appâter le tueur permet même de flirter avec un côté fantastique horreur aussi appréciable que dérangeant.
Inspiré d’un fait divers réel qui a eu lieu en Corée entre 1986 et 1991, Memories of Murder démontre que la fiction peut encore dépasser la réalité. Tandis que l’occident se polarise sur la lucrative récurrence des séries, Bong Joon-ho a produit pour le 7eme art des pépites en série.
Si vous êtes cinéphiles, ne manquez pas l’occasion de voir Snowpiercer, The Host ou encore Sea Fog. Quand c’est possible comme dans le cas de Memories of Murder optez pour un lieu naturellement désigné pour cela : une belle et grande salle de cinéma.
Memories of Murder
Sortie en salles et en version restaurée le 5 juillet 2017