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Que ma volonté soit faite, ainsi soient elles

Le Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg 2025 a été un excellent cru. Si malheureusement nombre de films sélectionnés auront très peu de chances d’être programmés en salles, Que ma volonté soit faite fait figure d’exception, sortant ce mercredi 3 décembre dans tout l’hexagone.


Coincée dans un carcan familial et culturel, entre les corvées de la ferme et la pauvreté de ses relations sociales, la vie de Nawojka est loin d’être passionnante. L’arrivée de Sandra, voisine sulfureuse et indépendante, bouleverse son quotidien et déclenche un pouvoir que la jeune fille s’efforçait de réprimer.

Dans Que ma volonté soit faite, Julia Kowalski installe un décor rural dur et crasseux pour y creuser la psyché d’une jeune femme en proie à un héritage troublant. Le film semble prolonger et approfondir les thèmes déjà explorés dans son moyen métrage J’ai vu le Visage du Diable, qui a sans aucun doute servi de laboratoire.
La mise en scène de la réalisatrice s’abandonne aux codes du drame rural, du film d’horreur et du fantastique, flirtant avec l’épouvante. Les images sont granuleuses, la terre, la boue, le sang, le souffle animal, tout semble tiré d’un cauchemar ancien. L’esthétique est sale, organique et ne recule devant rien.
Dans ce cadre âpre et minutieux, Nawojka devient le reflet d’une femme en lutte, entre héritage, désir, peurs et droits à l’émancipation. Le surnaturel prend sens comme métaphore des interdits sociétaux, des tabous et de la misogynie latente. Le village, le père, les frères, tous deviennent juges et fossiles d’un ordre établi.
Que ma volonté soit faite doit beaucoup à ses interprètes. Maria Wróbel joue avec une intensité contenue, un mélange de fragilité, de peur et de désir refoulé qui rend chaque émotion palpable. Roxane Mesquida impose une présence magnétique, capable de faire basculer le calme le plus strict en chaos électrique.
Daniel Kowalski, frère de Julia, avait déjà collaboré avec elle sur Crache cœur. Pour la bande-son de Que ma volonté soit faite, il signe une composition viscérale et souvent dissonante. Les nappes sombres, les accords stridents et les silences habités amplifient le malaise et soulignent la fragilité des personnages.
Le film impressionne par sa puissance visuelle et son audace formelle. L’ambiance crasse, rurale et claustrophobe, le mélange de réalisme paysan et de fantastique gore, la montée lente vers le basculement, tout concourt à construire un récit âpre, hypnotique et dérangeant. Le film interpelle ainsi avec radicalité.
Pourtant, l’équilibre entre drame social, tragédie intime et horreur n’est pas toujours trouvé. Certains moments manquent de liant ou de densité psychologique. De même, l’évocation du monde paysan et des traditions apparaît parfois sous de véritables stéréotypes, ce qui peut réduire la portée sociale du propos.
À l’instar de Grave, Que ma volonté soit faite est une œuvre d’une rare audace, formelle, thématique et viscérale, que l’on voit trop peu dans le cinéma français. Il est agréable de penser que le salut de ce dernier pourrait venir non seulement du fantastique mais aussi de la reconnaissance de ses réalisatrices et le réel soutien du CNC.


Que ma Volonté soit faite
Sortie en salles le 03 décembre 2025

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