Chaque époque connait des périodes troubles. Ceux évoqués dans Loin des hommes se déroulent durant la guerre d’Algérie. Pourtant ce qui se produit dans le dernier film de David Oelhoffen est indépendant du temps et du lieu. En dehors des cours qu’il donne à sa classe, Daru l’instituteur vit isolé. Alors que les algériens s’insurgent, il se voit contraint d’escorter Mohamed au prochain poste de police. Accusé de meurtre, la vie de ce dernier est menacée. Les gens de son village réclament vengeance et les colons français craignant pour leurs vies ont recours à des méthodes expéditives. Adapter Albert Camus au cinéma est un exercice risqué. Avec la nouvelle « l’hôte » dont s’inspire son film, David Oelhoffen réussit parfaitement la manœuvre en détournant les codes du western pour les appliquer au colonialisme français. Il dépeint avec brio ces moments magnifiques où les hommes dépassent les circonstances qui les opposent pour faire front ensemble face à l’adversité. Audacieux au premier abord, le choix de Vigo Mortenssen (Aragorn dans la trilogie du seigneur des anneaux) pour incarner Daru se révèle totalement approprié. En plus de son aptitude à s’exprimer aussi bien en arabe, en espagnol qu’en français, son jeu tout en retenue ainsi que son charisme de « rôdeur» opère. Dans « Les promesses de l’ombre » il s’exprime dans un russe irréprochable. Après la projection, j’ai profité des questions réponses pour lui demander entre le russe, le français, l’arabe et le langage des elfes, qu’elle était la langue qui lui avait posé plus de problème à apprendre. Il ne m’a pas du tout surpris en me désignant celle de Dostoievski.Reda Kateb dans le rôle délicat de Mohamed n’a pas à rougir de sa performance. Tout en nuance, il parvient à donner à son personnage grandeur et humanité. La mise en scène de l’inexpérience de Mohamed avec les femmes durant de la scène du bar est à la fois touchante et pudique.La nature s’impose définitivement comme 3eme personnage principal de l’histoire. Comme pour La voie de l’ennemi de Rachid Bouchareb, le désert est magnifiquement filmé.
A la fois être partout et nul part il contribue à rendre ce qui s’y déroule universel. A cela s’ajoute une musique en parfaite adéquation avec la narration de cette odyssée « Loin des hommes » porte donc un message fort qu’il n’est pas facile de faire entendre mais est brillamment délivré. Il permet d’espérer quelque chose de l’humanité qui choisit la vie.
